Le minet avait une tête d'ogre. A sa lèvre inférieure, une gerçure mal soignée était devenue une coupure droite et nette. La blessure se rouvrait à chacun de ses sourires alors il essayait d'être plus triste. Il n'avait pas de fossettes mais deux cicatrices qui ne se joignaient seulement lorsqu'il entrouvrait la bouche pour allonger son visage et tracer sa sixième ligne, la ligne de tristesse. Assis, il tenait sa main devant la bouche comme s'il la baisait ou pour s'empêcher de crier. C'est qu'il ne pensait pas comme il s'exprimait sinon trop vite, ou que sa voix un peu rauque trahissait tout son confus. C'était le jeune homme incongru, aux joues boursouflées, aux épaules larges, la tête d'affiche qu'on placarde sur les places, de ceux qu'on érige en statues mais qu'on réserve aux cagibis chez les particuliers.
Il évitait toujours de croiser le général. C'est que l'uniforme ne lui convenait pas. Alors pour taire sa rébellion, il murmurait à sa main. Puis, quand il avait fini de parler, il baissait les yeux pour voir les traces qu'il aurait pu laisser. Il se disait qu'il avait dessiné des courbes de sottises. A son quart, la ligne de vie était rompue pour reprendre en parallèle. Et le minet ferma la bouche.