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La soumission librement consentie
--> de Robert Vincent Joule

C'est surtout parce que je n'ai rien posté depuis quelques jours et parce que je triais mes documents.
Millésime fin 2002. Grotesque.

Il y avait dans la chambre une âpre odeur voguant, une ambiance saturée respirant l’innocence. Par-dessous l’entrée close émanait l’âcreté, les volets clos laissaient peu à peu transparaître quelques légers rayons de soleil inondant, alignés, le sol blanc de lino. Il y avait la sourdine des silences trop pesants, enveloppant dans son drame de tragiques murmures. Nous étions chez elle, à quelques pas de chez toi, et la distance insignifiante entre vos deux paliers te semblait alors des milles entiers tellement tu te sentais loin de tout, isolé, mais enfin tout près de son joli corps si blanc. Tu la regardais dormir, elle si belle, si attirante ; tu souriais à mesure que tes doigts glissaient sur sa peau douce. Tu étais reposé, ni pensif, ni soucieux ; calme, tu n'avais besoin de rien et plus que jamais, tu avais envie d'elle.

 

Tu la contemplais des doigts, tu l'aimais des yeux, et tu profitais avec bonheur de ces instants silencieux de grâce charnelle; tu n'avais besoin de rien d'autre, tu n'avais jamais eu besoin d'autre chose que de cet être aux si grands yeux, que de cet autre à la voix chaude, au rire léger et aux petits doigts, si courts et si fins, que tu serrais si fort avec tendresse ; comme si cette femme de loin parfaite devait à jamais quitter ton corps. Cette chose était tienne, c’était ta main, c’était ton sein, ta possession intime.

 

Alors oui, tu pétrissais, tu mêlais vos deux peaux, avec les ferveurs oubliées de l’amant envoûté qui ne pouvait retenir ses pulsions furtives et furetantes. Embrumé par sa candeur, tu la serrais avec foi, dans son mépris éploré, dans son apaisement transi. Elle était ta femme, l’objet de ton plaisir, dont le regard livide semblait implorer ta grâce. Les traits de cette inconnue voisine se révélaient à ton toucher à mesure que tu frôlais ses paupières si douces, ses joues si tendres, son minuscule menton dressé, sa bouche sèche et son nez délicatement dessiné. Ses cheveux d'ange frangeaient son petit front et demeuraient les stigmates d’une courte mais intense bataille capillaire ; tu recoiffais mèche à mèche le nimbe démêlé de ta beauté assoupie. Nue, dans un léger hâle de lumière, lovée dans l’éternel pardon de ses tourments, dans la douce et profonde mélancolie de son silence, elle était enfin elle-même.

 

A son oreille, tu murmurais les plus douces assurances en t’inspirant de ses humeurs sucrées ; tout était plénitude, éternellement repu d’extase. Ta princesse rêvait et s’emportait béate, dans les régals immaculés d’un plaisir vers l’aurore. Tu embrassas le bel amour et te rendis compte alors. Son corps inanimé reposait dans tes bras, tu te recueillais bas et ton âme pleurait. Quelques larmes fugaces pour pardonner le sort, pour déchirer les cœurs, pour emplir les mémoires.


Elle s’était emportée d’une ultime folie, de secrètes logiques, d’océans de raison. C’était une vulgaire dispute qui n'en était pas une, les mots d'un regard trouble et ses tristes sentences, un différent de rien, une colère de pas grand chose, les scandales chuchotés d’amants trop singuliers, les ultimes erreurs d’un couple habitué. Le silence en avait trop dit et les mots ne te venaient plus. La mort rongeait tes yeux ; ces yeux qui avaient tant vu, ceux qui avaient tant voulu. Tu la dévisageais de tes doutes lacérés.

 

Ces yeux qui n’auraient pu sombraient las dans l’obscur et supportaient la faute celée. Et ces questions, poignards, les armes blanches de tes noires pensées, éventraient à jamais ton esprit tant meurtri. Se rendre à l’évidence, encore une chimère ; tu ne pouvais que l’honorer comme de son vivant, de ton ultime ardeur. Cette passion insolente qui s’insurgeait et s’exaltait, dans ton être, dans ton cœur, dans tes molaires amoureuses. Cette passion infinie, cette ivresse déchaînée, qui te poussait à l’amour, qui t’emportait aux actes, qui te la rendait tienne. C’en était trop, tu n’en avais pas fait assez. Elle n’était plus et tu en voulais plus encore. Tes troubles étaient tes impasses : tu pensais mal, tu aimais trop.


Et sans aucune raison sauf celle de cet amour, et sans aucun amour moins fort que ta raison, avec toute fureur, profane ! Tu violas. Et t’en allas, sans te retourner.
L’hédonisme impur, l’honneur désavoué, le malsain en splendeur, son consentement silencieux ; tout cela n’importait plus. Plus rien n’était bruit, violence ou chaos. La chambre était devenue le cocon cautérisé des jours fortuits que tu quittais. 

A jamais affranchie de ses spectres tourmentés, elle s’en allait aussi aux édens immaculés. Vous ne fûtes plus, elle demeura, elle-même conséquence d’un acte trop surjoué. Sur son cou, les traces rouges, empreintes indélébiles, marquées profondément dans la chair de l'aimée par l'être emporté, resteront à jamais l'irréfutable immoral de la furie passionnée.

Ben voyons.

Écrit par Novembre, le Vendredi 5 Mars 2004, 15:03 dans la rubrique Envolées.